Cathy est cheffe de service au Grenier de Lahso. Présente depuis l’intégration de l’atelier — chantier d’insertion dans l’association, elle porte une mémoire et une vue d’ensemble de ses fonctionnements.
En 2002, Cathy intègre l’hôtel social de la rue Riboud comme coordinatrice d’un atelier — chantier d’insertion dont Stéphane Carlin est l’encadrant technique. Elle est alors embauchée pour des missions d’accompagnement socio-professionnel, de gestion et de commercialisation des produits du Grenier. Elle constate à son entrée dans la structure que “ce que fait Stéphane avec les salariés est beau, on peut le vendre”. Suivant cette orientation, l’atelier, qui réalise alors 80 % de son chiffre d’affaire par une activité de redistribution sociale de mobilier, renverse son modèle économique et assoit aujourd’hui 80 % de son activité sur les productions vendues.
Une recherche constante d’équilibre
Au cours de cet entretien, Cathy nous explique que les questions de rentabilité sont arrivées au centre du projet de la structure pour des raisons évidentes de survie économique. Il existe une contradiction entre la nécessité de leur résolution et les objectifs d’insertion eux même. Comment par exemple travailler sur la productivité quand on a pour mission d’accompagner des salariés qui sont de fait peu productifs ? La diminution de l’aide publique est bien sûr à mettre en perspective avec cette problématique. En créant une tension sur les marges de manœuvre des structures de l’Insertion par l’Activité Économique (IAE) en général et sous forme d’Atelier — Chantier d’Insertion (ACI) en particulier, elle oblige ce dernier à chercher de nouveaux équilibres. Une tentation consisterait à faire reposer l’équation sur la seule augmentation de l’activité commerciale, mais la rentabilité d’une structure d’aide à l’emploi vient aussi de sa capacité à capter des financements. On peut d’ailleurs distinguer en matière d’indicateur le retour sur investissement de l’aide (publique ou privée) et la rentabilité commerciale à proprement parler.
Un DLA (Dispositif Local d’Accompagnement) mobilisé pour le Grenier en 2007 démontre qu’il est nécessaire d’améliorer l’encadrement technique pour développer la commande client. S’ensuit la réforme de l’IAE (insertion par l’activité économique) en 2014. Cathy comprend alors que “si on n’était pas au moins 15 ETP, on perdait de l’argent. On était à 8, il fallait doubler les équipes. On n’avait pas la place de le faire à l’atelier bois”. S’ajoute à ce problème d’espace un enjeu de féminisation des effectifs. Ces raisons entre-autres amèneront le Grenier à ouvrir un atelier de confection textile en 2015 en complément de l’atelier bois existant.
La rentabilité, c’est une grande question…
Si le coût de la masse salariale est lui bien connu, la rentabilité par produit est difficile à quantifier, encore moins la productivité du salarié. “Tout ça est très compliqué à mesurer aujourd’hui”, nous confie Cathy, d’autant qu’on peut s’interroger sur la cohérence de ces indicateurs au vu de l’objet social de la structure.
C’est pourquoi le Grenier a participé à une étude de coûts empêchés avec ISEOR. Cette analyse propose d’anticiper les dépenses sociales si un lieu comme le Grenier n’existait pas. Cathy juge l’approche intéressante mais regrette cependant que ces indicateurs ne fassent pas sens aujourd’hui pour des partenaires cofinanceurs.
Aller à la rencontre de l’employeur
Notre problème, c’est de faire reconnaître la capacité de la personne à un futur employeur.
“Un bénéficiaire du RSA, ça fait au moins 2 ans qu’il n’a pas été dans une posture de travail rémunéré. Avant qu’il ne soit en capacité de rejoindre le droit commun, il faut lui donner du temps … ” explique Cathy. Ce qui nous fait dire que l’employabilité est une valeur fondante qui doit être reconstituée, réparée et que cette reconnaissance dont parle Cathy est aussi bien celle qu’a le salarié pour ses propres compétences que celle dont l’employeur témoigne en le recrutant.
Pour être reconnu, il faut être connu. Cathy dit ainsi qu’ “il faut trouver un prétexte pour parler à l’entreprise”. Le Grenier bénéficie pour cela de deux entrées. La porte des ressources humaines, par laquelle on peut proposer à l’entreprise d’intégrer un salarié sur un stage d’observation. Ou celle de la responsabilité sociale de l’entreprise, notamment dans le cadre de l’achat responsable. Une autre possibilité s’offre à l’atelier — chantier d’insertion dans les recherches de partenariats en matériaux ou en services. Le Grenier coopère par exemple avec l’Opéra de Lyon sur la réalisation d’accessoires et de costumes.
Un besoin de visibilité
La difficulté principale que rencontre le Grenier résulte du manque d’espace. On pourrait imaginer que le Grenier se concentre sur une offre de service.
“Ce ne serait pas un souci si on avait suffisamment de lisibilité”, nous indique Cathy. “Si on regarde les autres chantiers, ils n’ont pas d’événements comme le notre [la brocante du Grenier NDLR]. Mais nos clients, ce ne sont pas que les utilisateurs de nos sacs et de nos meubles, ce sont aussi les personnes qui nous financent.”
Il y a une nécessité de matérialiser régulièrement l’action du Grenier auprès de ces derniers. La brocante porte aujourd’hui les fonctions de visibilité principalement auprès d’un public d’acheteurs en commande privée ou sur mesure. Loin d’être cramponnée à cet événement, dont on comprend bien par ailleurs l’attachement historique qu’il peut susciter, Cathy semble prête à explorer les hypothèses qui permettraient de répondre de manière complète aux besoins de visibilité de l’atelier — chantier d’insertion.
Laisser un commentaire