Vincent Chevallier travaille à Recyclivre. Une entreprise qui se charge de collecter des livres d’occasion et de remettre en vente ceux qui peuvent l’être à des prix accessibles. Vincent m’accueille dans son point de collecte situé dans le quartier de la Guillotière à Lyon.
Membre du conseil d’administration de Lahso depuis un an et demi, il prend une part active aux réflexions sur le développement de la structure. Je viens le voir autant pour parler de son activité — à titre d’exemple — que de ce qu’il imagine en terme de développement pour le Grenier.
L’agilité de Recyclivre
Le local est beaucoup plus petit que ce que j’imaginais compte tenu des flux de livres qui passent par l’entreprise. L’accueil est chaleureux, Vincent m’explique que c’est ici que s’effectue le premier tri et l’indexation des ouvrages à Lyon. Il centralise les activités de l’entreprise pour le quart sud-est de la France. Un autre local (beaucoup plus grand) tient lieu de stockage.
40% des ouvrages collectés sont mis en vente sur la boutique en ligne de Recyclivre.
Sur une année, l’antenne lyonnaise revend 240.000 livres sur un flux de 600.000 dont environ la moitié passe par le local de la Guillotière.
En l’espace de 3 ans, 90% des livres mis en ligne ont été effectivement vendus.
S’appuyer sur les structures de l’insertion pour se développer
Vincent m’explique que la collecte et le tri s’effectuent pour une bonne partie directement chez des structures partenaires. Ces associations,(Emmaüs, le Secours Populaire, L’Armée du Salut, la Croix-Rouge, Solidarité Afrique…) accueillent ainsi des postes en contrat d’insertion financés par l’activité de Recyclivre. La collecte chez les particuliers — à partir d’une cinquantaine de livres — s’effectue à leurs domiciles grâce à une camionnette électrique.
Les livres qui ne peuvent pas être revendus sont pris en charge par la société ELISE, une entreprise d’insertion adaptée qui se charge de collecter et trier les déchets de bureau. Elle conditionne ces livres pour le recyclage.
La gestion du stock et l’expédition des livres sont également confiés à une société tierce elle aussi entreprise d’insertion adaptée, Log Ins’ (Groupe ARES) qui réalise également son activité dans le cadre d’une action d’insertion de personnes en grande exclusion.
La maîtrise de ce processus pour chaque livre passe par leur indexation et leur attribution d’un code-barre. Ce code renvoie les informations du livre bien sûr (ISBN, nom, auteur, éditeur, année de parution) mais également le collecteur et le donneur. Cette traçabilité du livre a plus d’un intérêt, elle permet notamment de :
- Rétribuer les collecteurs ;
- Identifier les livres difficiles à vendre pour éventuellement les sortir de la collecte ;
- Identifier et tracer les gisements.
Cette habitude de travail en réseau, de gestion de projet décentralisée confère une certaine agilité à Recyclivre. Elle peut ainsi se concentrer sur un métier très spécifique qui tient autant sinon plus de l’animation et du développement de communauté (via leur plateforme web) que de la gestion de filière.
Travailler avec le Grenier, un chantier en cours
Avec ses un an et demi en tant qu’administrateur de Lahso, Vincent a peu d’antécédents avec le Grenier. Il a cependant plusieurs propositions à faire, dont certaines sont en cours. Il avait envisagé sérieusement d’emménager avec le Grenier sur le projet de Village des Solidarité à Villeurbanne. Cela lui aurait permis d’avoir une proximité avec des emplois de tri et d’indexation qu’il propose de créer dans l‘atelier — chantier d’insertion Le Grenier. Cette option s’est vue mise en veille avec celle du Village en question.
Actuellement, il est en discussion avec l’atelier menuiserie du Grenier et l’association Boîtes à Partage pour mettre au point un service de boîtes à livres. Distribué aux collectivités, ce service permettrait l’échange gratuit de livres entre habitants. Conscient de la nécessité d’animer cette action, le service inclut également la constitution et l’animation du collectif local autour de l’usage de ces boîtes.
Déménagez !
Vincent a la ferme conviction que le déménagement des ateliers du Grenier et l’amélioration de ses conditions de travail sont des questions primordiales et que beaucoup de ses problèmes actuels y trouveraient solution.
Nous observons ensemble plusieurs scénarios de développement sur de nouvelles activités du Grenier. Notamment en amont de l’atelier de transformation (mutualisation du stock, service de débarras sur déménagements, ressourcerie en matériaux souples…). Vincent conclut que ça peut être intéressant de travailler les externalités mais qu’il serait sans doute plus efficace de s’appuyer sur des structures spécialistes que d’intégrer de nouveaux métiers.
Imaginer de nouvelles synergies sur un même site
Il observe que des activités complémentaires pourraient se produire entre l’atelier menuiserie et l’atelier confection textile du Grenier, et que la présence des deux équipes dans un même lieu pourrait les permettre. Il mentionne notamment la possibilité de travailler sur la tapisserie en ameublement. Cette hypothèse est cependant impossible à réaliser sur les sites existants du Grenier.
Une réflexion sur la mise en synergie des besoins du Grenier et des activités d’autres structures partenaires pourrait toutefois rendre cela possible. La prise en compte des contraintes et des métiers de chacune d’elles entre en jeu dans la mise en place de ces partenariats. La disparition des emplois aidés est par exemple problématique pour des associations dont l’économie est parfois fragile.
On peut imaginer un échange de service ou d’espace contre du temps de travail d’un emploi en insertion porté par le Grenier, de la même façon que procède Recyclivre quand il déploie sa filière de revente et de recyclage du livre. En bref, trouver des modèles de développement s’appuyant sur la réciprocité entre voisins d’un même site d’installation.
Autrement dit, l’exemple de Recyclivre pourrait être mis à profit en concentrant les efforts de savoir-faire sur le cœur de métier du Grenier — l’insertion par l’activité économique — et en déployant la chaîne de valeur sur le réseau de partenaires. Reste à identifier avec précision la situation du Grenier dans cette chaîne en terme de métier.
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